29 janvier 2014
Le monde médiatique et politique bruisse depuis quelques jours de la nouvelle du départ de quelques adolescents pour la Syrie et du phénomène autrement plus vaste des centaines de jeunes Français musulmans d'origine ou convertis à l'Islam pour combattre en Syrie au côtés des groupes jihadistes contre l'armée syrienne.
Si l'on se place du point de vue de l'observation du fonctionnement médiatique, on ne peut qu'être frappé par l'étrange bienveillance dont font l'objet les jeunes lycéens partis pour la Syrie et rattrapés en Turquie : il ne faut pas les condamner, ni les juger, il faut les comprendre, etc.
La palme de ce discours lénifiant et totalement irresponsable revient sans nul doute au proviseur du lycée des deux jeunes toulousains arrêtés en Turquie, qui a pontificalement déclaré qu'ils étaient des "victimes" et qu'il n'avait bien sûr "rien vu venir" et que bien sûr, il allait les réintégrer sans conditions et "sans les juger". On rappellera simplement qu'en matière de terrorisme -puisqu'il s'agit de cela- les victimes sont ceux qui se font tuer, et non ceux qui s'engagent pour aller tuer. Personne, naturellement, ne se pose la question des relations qui pourraient exister entre l'Islam et la guerre et personne n'aborde la question de fond qui est celle des rapports pouvant exister entre spiritualité et combat.
Personne ne se pose la question parce que l'influence consciente ou inconsciente de la vision chrétienne de la guerre a obscurci les consciences européennes. Il est clair que le christianisme condamne le phénomène de la guerre sans concessions. Toute la doctrine chrétienne depuis le Christ lui-même est cohérente de ce pointe de vue. Il s'agit d'une religion d'amour et de paix. Le fait que par ailleurs un nombre incalculable de guerres ait été mené par les chrétiens et parfois même au nom de la défense de la foi est une autre question : ce n'est qu'une illustration du caractère fondamentalement irréaliste de cette religion et de son absence d'ancrage dans la réalité, cela ne remet pas en cause ses principes qui sont ceux d'une hostilité radicale à l'égard du phénomène guerrier.
Cette opposition importante entre christianisme et mentalité guerrière est flagrante au Moyen Age. A partir de coutumes germaniques, prévoyant le recours à la vengeance privée, s’était développé au début du Moyen Age la guerre privée, faite par les seigneurs locaux. Du fait des solidarités familiales très fortes existant à cette époque, les guerres privées engageaient de plus en plus de monde, y compris les vassaux, clients, dépendants, etc. Ces conflits ont des conséquences très douloureuses pour les populations, qui se réfugient souvent dans les monastères ou les édifices religieux. La violence contredisait évidemment l’idéal de paix chrétien. Dès le Xe siècle, différentes institutions émergent : la paix de Dieu est l’idée imposée par des Evêques du Sud de la France selon laquelle les non-belligérants doivent être épargnés par les guerriers, et qu’ils ont droit à des territoires de sûreté, les sauvetés. L’Eglise protège particulièrement les membres du clergé, les biens de l’Eglise et des paysans, les voyageurs, les femmes ; la sanction pour non respect de cette paix est redoutable : l’excommunication. Cette institution générale est accompagnée par des mesures plus ponctuelles, locales. Les serments de paix apparaissent ainsi vers 1020-1030 au niveau des diocèses. Les Evêques les font rédiger pour interdire l’attaque des clercs, des lieux d’asile, des pauvres… Une fois le serment prêté, son non-respect entraîne l’excommunication. Les Evêques s’efforcent de faire prêter le serment à tous les fidèles du diocèse afin d’imposer une certaine paix (on en a des exemples en particulier à Beauvais, Soissons, etc.). La trêve de Dieu apparaît au Concile de Perpignan en 1027. Les Evêques décident d’interdire les hostilités certains jours. Le Dimanche en premier lieu, mais également pendant périodes de l’Avent, du Carême, de Pâques. Evidemment, des sanctions pesaient sur ceux qui ne respectaient pas ces périodes de trêve, qui se sont imposées dans toute l’Europe. Les règles de la trêve de Dieu sont même généralisées et codifiées lors du Concile de Clermont en 1095. Ce Concile est fondamental, puisque le Pape y prêche la première croisade. Ainsi, face au guerrier sans foi ni loi, l’Eglise inventait le personnage du chevalier chrétien, bienfaisant, juste, qui met son épée au service des faibles, …et de l’Eglise. La mentalité aristocratique, en contradiction avec le christianisme, était finalement récupérée par celui-ci, mais au prix de l’exportation de la guerre !
En fait, tant que les Européens restaient suffisament virils et -de fait- païens en profondeur, ils ont continué à faire la guerre, et d'abord à se la faire entre eux, avant d'entrer dans le cercle vicieux de la colonisation. Mais depuis la fin de la seconde guerre mondiale, et pour la France de la guerre d'Algérie, une période de paix sans précédent dans l'histoire de l'Europe a entraîner une dévirilisation très nette des populations et donc une pénétration en profondeur (ce n'était que superficiel jusque-là) de la conception chrétienne de la paix, conçue comme universelle et éternelle. Désormais, le principe de la condamnation de la violence est partagé par la grande majorité de nos contemporains européens.
Mais on ne contrôle pas les instincts et l'instinct guerrier est un instinct au même titre que l'instinct maternel. Si un certain nombre de jeunes européens se tournent vers l'Islam, et notamment un Islam radical, ce n'est pas seulement parce qu'une sorte de lieu commun voudrait que les plus extrémistes des religieux soient les convertis. C'est aussi parce que dans le monde actuel, seule cette religion (avec l'indouisme et le shintoïsme mais elles sont moins accessibles) propose une vision à la fois spirituelle et guerrière. De notre point de vue, il s'agit d'une spiritualité guerrière de très bas niveau fondée en réalité sur la peur, mais il n'empêche qu'en apparence cette spiritualité propose une voie guerrière.
Spiritualité de très bas niveau car fondée sur la peur dans la mesure où en général, les jeunes qui partent pour le "jihad" sont des paumés. Dans leur cas, il ne s'agit pas d'abandonner une vie réussie pour aller mourir héroïquement mais d'abandonner une vie vide de sens pour aller à l'aventure. Ce n'est pas un dépassement par le haut, mais une fuite par le bas. Parlons également de leur "récompense" qui est présentée dans le Coran, Sourate 55, versets 46 à 78. Il s'agit des fameuses vierges mais aussi de biens matériels et d'une ambiance de luxe (tapis épaix, jardins luxuriants, nourriture à profusion). A vrai dire, rien qui ne détonne avec les fantasmes les plus ridicules d'un joueur de foot ou d'une vedette médiatique ou d'un miliardaire arabe obèse. Une spiritualité de plébéien, engluée dans la matière et servant de diversion à la misère affective et sexuelle de la plupart des jeunes musulmans, contraints par leur religion de traiter les femmes comme des prostituées ou comme des mères, sans alternative.
D'un tout autre niveau est la Tradition européenne. Il existe de toute éternité chez les Européens une attitude équilibrée à l'égard de la violence dans la mesure où notre spiritualité est triple, trifonctionnelle si l'on veut. Tous les peuples européens ont en commun une structure religieuse reposant sur la triple caractéristique de l'accord entre le mystique (1e fonction), le guerrier (2e fonction) et le producteur (3e fonction). Chaque personne, en fonction de son hérédité, mais également de sa nature intérieure, peut avoir une spiritualité de prêtre, de guerrier ou de producteur (artisan, paysan, etc.). Il y a donc bien dans l'Ancienne Tradition une spiritualité guerrière, fondée sur la pratique des arts martiaux (que l'on peut comparer à la tradition japonaise) mais aussi sur la pratique de rituels religieux initiatiques au sein de confréries martiales. Les exemples que l'on connaît le mieux sont celui des Germains avec les guerriers-loups ou les guerriers-ours et également celui des Romains avec les primipilaires et les évocats. Les exemples ne manquent pas également chez les Celtes et les Grecs avec les myrmidons.
A ces guerriers initiés on ne promettait pas des vierges au paradis ni des tapis moelleux et des smartphones avec connexion illimitée : simplement l'immortalité, la certitude qu'ils ne seraient pas oubliés par leur peuple s'ils mouraient au combat pour le défendre. D'une certaine manière, l'érection de monuments aux morts dans tous les villages de France après 1918 a été une forme de continuité avec cette tradition-là.
Que les jeunes Français sortent de l'aliénation mentale chrétienne en allant pratiquer un art martial et qu'ils le fassent dans l'idée de s'élever spirituellement, en comprenant leur fonctionnement intérieur, au lieu de rêver de façon absurde à une "guerre sainte" qui n'est rien d'autre qu'un pathétique dérivatif pour primates aliénés englués dans la modernité.